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 dans Droit des successions, Verbum Legale

Selon l’article 1012 C.c.Q., l’indivision peut résulter notamment d’une succession[2]. En principe, nul n’est tenu de demeurer dans l’indivision[3]. Cependant, le code civil retarde le droit des héritiers de procéder au partage ou de l’exiger, jusqu’à la fin de la liquidation de la succession[4]. C’est l’exercice de la saisine des héritiers et des légataires particuliers par le liquidateur qui justifie une telle mesure[5]. Celle-ci se termine une fois que le liquidateur en est déchargé au sens de l’article 822 C.c.Q.

L’article 836 C.c.Q. introduit le « Titre 6 – Du partage de la succession » lequel suit le « Titre 5 – De la liquidation de la succession »; ces deux titres faisant partie du « Livre 3 – Des successions ». Comme on le constate, les dispositions relatives au partage de la succession ne font donc pas partie de la liquidation successorale proprement dite.

Droit au partage après la liquidation

La liquidation d’une succession testamentaire ou ab intestat est constituée des deux phases principales suivantes :

  • la liquidation de la succession; et
  • le partage de la succession.

Selon l’article 625, al. 1 C.c.Q., les héritiers sont, par le décès du défunt ou par l’événement qui donne effet à un legs, saisis du patrimoine du défunt, sous réserve des dispositions relatives à la liquidation successorale. De même, l’article 739 C.c.Q. prévoit que le légataire particulier qui accepte le legs est saisi, comme un héritier, des biens légués, par le décès du défunt ou par l’événement qui donne effet à son legs.

Or, en règle générale, les nombreuses tâches liées à la liquidation successorale incombent au liquidateur successoral. Pour accomplir sa mission, le liquidateur exerce la saisine des héritiers et des légataires particuliers à compter de l’ouverture de la succession et pendant le temps nécessaire à la liquidation.

Selon l’article 819, al. 1 C.c.Q., la liquidation s’achève lorsque :

  • les créanciers et légataires particuliers connus ont été payés ; ou
  • le paiement des créances et legs de ces derniers est autrement réglé ou pris en charge par des héritiers ou des légataires particuliers ; ou
  • lorsque l’actif est épuisé.

Le liquidateur doit généralement préparer un compte définitif, lequel vise à déterminer l’actif net ou le déficit de la succession[6]. Il permet d’assurer par le fait même la transparence de son administration.

S’il obtient l’accord de tous les héritiers, le liquidateur peut, en tout temps, rendre compte à l’amiable[7]. Dans l’impossibilité de procéder ainsi, le liquidateur doit toutefois rendre compte en justice[8].

L’acceptation du compte par les héritiers décharge le liquidateur de son administration et permet la délivrance des biens[9].

Le processus de liquidation lui-même prend donc réellement fin par la délivrance des biens aux héritiers et la décharge du liquidateur de son administration[10]. À partir de ce moment, ce sont les règles prévues au « Titre 6 – Du partage de la succession » qui peuvent s’appliquer[11].

Le partage successoral

Une succession crée un état d’indivision parmi les héritiers concernés[12]. Malgré l’adage bien connu « nul n’est tenu de demeurer dans l’indivision »[13], l’article 836 C.c.Q. prévoit que le partage successoral ne peut avoir lieu ni être exigé avant la fin de la liquidation, laquelle ne survient que par la décharge du liquidateur[14].

Le « partage » peut être défini comme suit :

Acte juridique par lequel les copropriétaires d’un bien ou d’un ensemble de biens mettent fin à l’indivision en attribuant à chaque copartageant un droit exclusif sur une portion réelle du bien ou des biens indivis[15].

Un tel partage peut se faire à l’amiable, en justice ou peut être mixte[16].

Le partage définitif peut être total ou partiel. En effet, il peut viser tous les biens de la succession ou seulement certains d’entre eux[17]. Le partage partiel vise un bien successoral en particulier.

Moment du partage

L’article 836 C.c.Q. édicte que le partage ne peut avoir lieu ni être exigé avant la fin de la liquidation. Réitérons que cette fin survient au moment de la décharge du liquidateur.

Partage effectué par les héritiers – proposition de paiement du liquidateur

Après la liquidation, le partage de la succession peut avoir lieu entre tous les indivisaires, c’est-à-dire exclusivement entre les héritiers[18]. Il suffit d’ailleurs d’un seul héritier pour imposer aux autres le partage des biens[19].

En principe, le partage de la succession ne fait pas partie des responsabilités du liquidateur[20].

Cependant, selon l’article 820, al. 3 C.c.Q., le liquidateur doit joindre une proposition de partage à son compte définitif, si :

  • le testateur l’a prévu[21]; ou
  • la majorité des héritiers le requiert.

Le partage de la succession n’est effectué de la manière prévue à cette proposition que si les héritiers y consentent[22]. La proposition de partage ne les lie donc pas[23].

Le code civil ne prévoit aucune forme particulière pour la proposition de partage. Celle-ci devrait être rédigée dans un document distinct de la reddition de compte, à laquelle elle sera jointe[24].

Par ailleurs, notons que les créanciers de la succession et les créanciers personnels des héritiers peuvent assister au partage et y intervenir, à leurs frais, dans le but d’éviter qu’il ne soit fait en fraude de leurs droits.

Partage des biens entre les héritiers

Le partage définitif des biens restants après la liquidation a lieu suivant la proposition de partage jointe au compte définitif du liquidateur ou de toute autre manière que tous les héritiers jugent la meilleure[25]. À défaut d’un partage à l’amiable, il a lieu en justice[26].

Avant de procéder au partage, les héritiers doivent rapporter à la succession ce qu’ils ont reçu du défunt par donation ou par testament à charge expresse de rapport. Cette étape préalable permet de connaître la teneur exacte du patrimoine successoral partageable. Il y a ensuite lieu de procéder à la composition des lots et à leur attribution[27]. Notons qu’un héritier peut se voir attribuer certains biens par préférence. Nous reviendrons sur ce point dans une prochaine chronique.

Enfin, en principe, les copartageants sont tenus à la garantie des copartageants[28]. Ainsi, si l’un d’entre eux est évincé, les autres doivent l’indemniser pour la perte subie, si le trouble ou l’éviction procède d’une cause antérieure au partage.

Effet déclaratif du partage

L’article 1037, al. 3 C.c.Q. prévoit que « l’acte de partage qui met fin à une indivision autre que successorale est attributif du droit de propriété ». Ainsi, contrairement à tout autre partage, l’acte de partage qui met fin à une indivision successorale est seulement déclaratif, et non attributif de propriété. L’article 884, al. 1 C.c.Q. réitère d’ailleurs clairement qu’en matière successorale, le partage est déclaratif de propriété. En effet, selon l’article 884, al. 2 C.c.Q., « [c]haque copartageant est réputé avoir succédé, seul et immédiatement, à tous les biens compris dans son lot ou qui lui sont échus par un acte de partage total ou partiel ; il est censé avoir eu la propriété de ces biens à compter du décès et n’avoir jamais été propriétaire des autres biens de la succession ». En raison de ce fait, le partage successoral n’est pas assujetti à la loi concernant les droits de mutations immobilières.[29] À titre d’exemple, A, B et C, les trois enfants du défunt, héritent d’un immeuble. B désire conserver l’immeuble. Si A et C vendent leurs droits à leur frère B, il y aura un droit de mutation. Cependant, si A, B et C se partagent l’immeuble et que ce partage attribue l’immeuble à B, il n’y aura pas de droit de mutation.

Dans une prochaine chronique, nous traiterons du partage partiel d’un immeuble de la succession et des valeurs utilisées lors du partage.

[1] Pour une étude complète sur les articles du partage successoral, voir Michel Beauchamp, La liquidation et le partage de la succession (Art. 776 à 898 C.c.Q.), 2e éd., « Collection Commentaires sur le Code civil du Québec (DQC) », Montréal, Éditions Yvon Blais, 2016.

[2] Jacques Beaulne, Droit des successions, 5e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2016, no 1609.

[3] art. 1030 C.c.Q.

[4] art. 838 C.c.Q

[5] art. 777 C.c.Q.

[6] Art. 820, al. 1 C.c.Q

[7] art. 821, al. 1 C.c.Q.

[8] art. 821, al. 2 C.c.Q.

[9] art. 822, al. 1 C.c.Q.

[10] art. 819, al. 2 et 822 C.c.Q.

[11] art. 836 et s. C.c.Q.

[12] Jacques Beaulne, op. cit.

[13] Art. 1030 C.c.Q.

[14] art. 819 et 822 C.c.Q.

[15] Hubert Reid, Dictionnaire de droit québécois et canadien, 6e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2023, sub verbo « partage ».

[16] Ibid.

[17] art. 849 C.c.Q.; Jacques Beaulne, op. cit., no 1681.

[18] art. 836 C.c.Q.

[19] Boutin c. Boutin, REJB 1995-28781 (C.S.).

[20] Jacques Beaulne, op. cit., no 1588.

[21] art. 778 C.c.Q.

[22] art. 838, al. 1 C.c.Q.

[23] Jacques Beaulne, La liquidation des successions, mis à jour par Michel BEAUCHAMP, 2e éd., « coll. Bleue », Montréal, Wilson & Lafleur, 2015, no 816.

[24] art. 820, al. 3 C.c.Q.

[25] art. 820, al. 3 et 838, al. 1 C.c.Q.

[26] art. 838, al. 2 C.c.Q.

[27] art. 849 à 864 C.c.Q.

[28] art. 889 à 894 C.c.Q.

[29] Alain Roy et Andréanne Malacket, Code civil du Québec : Annotations – Commentaires, 7e éd., Montréal, Yvon Blais, 2022-2023 sous l’art. 884.

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