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Loi modifiant le Code civil, le Code de procédure civile et la Loi sur le curateur public et diverses dispositions en matière de protection des personnes

La Loi modifiant le Code civil, le Code de procédure civile et la Loi sur le curateur public et diverses dispositions en matière de protection des personnes (ci-après nommée « la loi »), a été adoptée par l’Assemblée nationale le 2 juin 2020[1]. Cette loi annonce des modifications substantielles en matière de droit des personnes, surtout en ce qui concerne les majeurs protégés puisqu’elle suggère l’abolition de la curatelle et du rôle de conseiller dans le Code civil. L’entrée en vigueur a été repoussée au mois de novembre 2022, compte tenu du contexte pandémique, mais il n’en demeure pas moins qu’il est grandement temps de s’y préparer!

Loi visant à mieux protéger les personnes en situation de vulnérabilité

L’objectif premier de ce projet de loi est de simplifier les procédures judiciaires applicables en matière de droit des personnes en vue d’assurer une meilleure protection des personnes inaptes. Souhaitant s’adapter davantage à la réalité du Québec d’aujourd’hui, le projet de loi présenté actualise le rôle du Curateur public du Québec et propose des modifications concernant :

  • la tutelle au mineur;
  • les régimes de protection du majeur;
  • la création d’un régime d’assistance;
  • la création de la représentation temporaire;
  • la constitution des conseils de tutelle;
  • les règles relatives au mandat de protection.

Nous exposerons ici les principaux changements que ces modifications apportent aux régimes existants. Nous débuterons cette série de Verbum legale par la tutelle au mineur.

La tutelle au mineur

La rémunération dès l’ouverture de la tutelle

La charge de la tutelle est habituellement une charge exercée gratuitement. Il arrive toutefois que le tuteur datif se voit accorder une rémunération par le tribunal, sur l’avis du conseil de tutelle. L’article 6 de la loi modifie l’article 184 C.c.Q. en proposant l’insertion d’un nouvel alinéa prévoyant « qu’une telle rémunération et, le cas échéant, les modalités de sa reconduction par le conseil de tutelle, peuvent être fixées par le tribunal à l’ouverture de la tutelle ou postérieurement ».

La procédure de rémunération du tuteur grandement facilité

L’ajout de cet alinéa remanie la pratique actuelle voulant que le tuteur doive attendre d’être nommé avant de pouvoir faire telle demande. En effet, présentement, ces procédures doivent se faire en deux temps, donc au moyen de deux procédures au tribunal, à savoir l’une pour nommer le tuteur datif et l’autre pour que ce dernier puisse obtenir une rémunération, le tout sur avis du conseil de tutelle. Il faut donc que le conseil de tutelle se réunisse d’abord afin de donner son avis sur le choix de la personne qui sera nommée comme tuteur et, par la suite, une seconde fois, pour donner son avis sur la rémunération du tuteur. De fait, à la suite de l’entrée en vigueur de la loi, le tuteur qui désirerait être rémunéré pour l’exercice de sa charge n’aura plus à faire une seconde demande au tribunal après sa nomination et, par conséquent, le conseil de tutelle n’aura plus à être convoqué une deuxième fois, ce qui facilitera grandement la procédure de rémunération du tuteur.

L’augmentation du seuil de 25 000 $

Les articles actuels 209, 213, 214, 217 et 242 du C.c.Q. fixent à 25 000 $ le seuil pour certaines autorisations du conseil de tutelle et/ou du tribunal. La nouvelle loi augmentera ce seuil à 40 000 $[2]. Il s’agit de l’actualisation d’un montant qui ne représente plus grand-chose dans les années 2021. Rappelons que cette valeur de 25 000 $ avait été établie lors du dépôt du projet de loi 125 conduisant au Code civil du Québec, entrée en vigueur le 1er janvier 1994. Notons que ce montant sera indexé périodiquement pour éviter qu’il devienne obsolète au fil du temps[3], un très bel ajout!

Le délai pour aviser le Curateur public du Québec du transfert de biens ou du versement d’une somme à un mineur

L’article 11 de la loi vise à remplacer l’article 217 C.c.Q. actuel, afin que, dorénavant, le liquidateur d’une succession dans laquelle un mineur a des droits à faire valoir, le donateur d’un bien ou toute autre personne qui doit verser une indemnité au bénéfice d’un mineur – pensons notamment à une compagnie d’assurances – doive en aviser le Curateur public du Québec au moins 15 jours avant la transmission de ces biens ou du paiement de l’indemnité, si leur valeur est de plus de 40 000 $, sauf si les biens sont soustraits à l’administration tutélaire[4]. Notons que la modification proposée à l’article 217 C.c.Q. comporte l’ajout d’un second alinéa qui rendrait inapplicable le délai de 15 jours en cas de donation entre vifs ou du paiement d’une indemnité qui a pour objet de suppléer à l’obligation alimentaire des parents à l’égard de leur enfant.

La modification apportée à cet article vise essentiellement à s’assurer que le tuteur provoquera la constitution du conseil de tutelle aussitôt qu’il recevra les sommes ou les biens. En effet, suivant le droit actuel, ces mêmes personnes ont l’obligation de déclarer au Curateur public le fait d’avoir transféré des biens à un mineur, mais aucun délai n’est prévu pour ce faire. Ainsi, puisque le curateur public devra être avisé de la remise des biens ou des sommes, et ce, au moins 15 jours avant telle remise au tuteur de l’enfant mineur, il sera en mesure d’entreprendre toutes démarches nécessaires dans l’éventualité où le tuteur négligerait ses obligations.

Le quorum de l’assemblée de parents, d’alliés ou d’amis

Modification du quorum requis pour la tenue de l’assemblée

La loi propose également une modification au Code civil du Québec concernant le quorum requis pour la tenue de l’assemblée de parents, d’alliés ou d’amis. En effet, le troisième alinéa de l’article 226 C.c.Q. devra dorénavant se lire comme suit : « Au moins cinq personnes, représentant autant que possible les lignes maternelle et paternelle, doivent être convoquées à cette assemblée. Celle-ci est tenue quel que soit le nombre de personnes qui y participent. Elle peut être tenue par un moyen technologique. »[5]

Passage d’un quorum de présence à un quorum de convocation

Ainsi, le quorum n’est plus un quorum de présence à l’assemblée de parents, d’alliés ou d’amis, mais bien un quorum de convocation. En effet, la loi oblige actuellement à convoquer à l’assemblée de parents, d’alliés ou d’amis certaines personnes (père, mère, ascendants, frère(s) et sœur(s) majeurs). Si ces personnes se trouvent à être en nombre insuffisant, un demandeur doit convoquer les membres des deux lignées de la famille du mineur[6]. Cela dit, si la présence de chacune des lignées à l’assemblée de parents, d’alliés ou d’amis n’est pas essentielle à sa validité, il n’en demeure pas moins que cinq personnes doivent obligatoirement être présentes à l’assemblée de parents, d’alliés ou d’amis – physiquement ou par le biais d’un moyen technologique – afin que cette assemblée soit valable.

Suivant la modification proposée, tant et aussi longtemps que cinq personnes ont été convoquées à l’assemblée de parents, d’alliés ou d’amis, l’assemblée pourra valablement être tenue, et ce, même si moins de cinq personnes y participent.

Cette modification se veut un reflet plus fidèle des familles actuelles qui sont, il faut le reconnaître, beaucoup moins nombreuses que par le passé et dont les membres se retrouvent parfois un peu partout dans le monde.

En conclusion

Les changements qu’apportent cette nouvelle loi en matière de tutelle au mineur pourraient être qualifiés d’actualisation des règles déjà en place. La loi ne prévoit pas de modifications importantes pour le régime de la tutelle au mineur.

[1] L.Q.2020, chapitre 11.
[2] Art. 9, 10, 11, 12 et 16 de la loi. (L.Q. 2020, c.11).
[3] Idem art. 154.
[4] Si, par exemple, l’enfant mineur est bénéficiaire d’une fiducie.
[5] Art. 14, 2020 LQ c. 11.
[6] Isabelle c. Fauteux, [1985] C.S. 31, EYB 1984-143519.

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