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 dans Droit des successions, Verbum Legale

Sous le Code civil du Québec, la confection de l’inventaire des biens du patrimoine du défunt constitue un élément fondamental de la charge de liquidateur, que la succession soit ab intestat ou testamentaire[1]. Ainsi, l’article 794 C.c.Q. oblige le liquidateur à faire un inventaire, conformément aux règles prévues au titre De l’administration du bien d’autrui.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, débutons par les règles de base de l’inventaire successoral[2].

En principe, la responsabilité de dresser l’inventaire repose sur le liquidateur, mais, à défaut par lui de le faire, un héritier ou toute personne intéressée peut l’effectuer[3].

Notons que l’inventaire visé aux articles 794 et s. C.c.Q. constitue une étape préalable et distincte de celle de l’état complet des dettes et des legs particuliers prévu par l’article 811C.c.Q.

Importance de l’inventaire

Dès l’ouverture de la succession, le liquidateur exerce la saisine des héritiers et des légataires particuliers. Il administre les biens de la succession à titre d’administrateur du bien d’autrui. Une des charges inhérentes et essentielles à la fonction du liquidateur consiste à confectionner l’inventaire du patrimoine successoral[4], suivant les règles prescrites au titre De l’administration du bien d’autrui. Pour imager le rôle de l’inventaire, on peut affirmer qu’il constitue une photographie du patrimoine du défunt à la date du décès.

La confection de l’inventaire est tellement importante que le testateur ne peut dispenser le liquidateur de faire inventaire. En effet, une telle clause est réputée non écrite[5]. Le liquidateur ne peut pas non plus se dispenser lui-même de cette tâche. En fait, la dispense de faire inventaire ne pourra être accordée au liquidateur qu’une fois la succession ouverte, par tous les héritiers à l’unanimité.

En réalité, l’inventaire sert plusieurs objectifs. D’abord, il constitue le point de départ de l’administration du liquidateur, puisqu’il pourra alors connaître le contenu de la saisine qu’il exerce. L’inventaire servira aussi de repère lors de la reddition de compte du liquidateur. Par conséquent, il est primordial d’assurer les plus grandes qualité et exactitude possibles à l’inventaire.

En outre, l’inventaire constitue à la fois[6] :

  • une mesure de protection pour les créanciers de la succession; et
  • une mesure de protection pour les successibles et les héritiers.

D’une part, l’inventaire permet aux créanciers de la succession de constater l’étendue et le contenu exact du patrimoine successoral.

D’autre part, l’inventaire permet aux successibles d’évaluer la solvabilité de la succession et de pouvoir prendre une décision éclairée quant à leur droit d’option d’accepter ou de refuser la succession. En effet, ils peuvent connaître l’état du patrimoine du défunt et savoir si la succession est solvable ou insolvable grâce aux renseignements qui sont contenus dans l’inventaire dressé par le liquidateur.

En outre, il s’agit d’une mesure de protection des héritiers, puisque l’inventaire successoral permet d’éviter la confusion des patrimoines du défunt et de celui des héritiers[7]. Cela est particulièrement important pour limiter la responsabilité des héritiers face aux dettes du défunt dans les cas où la succession s’avère insolvable. En fait, la confection de l’inventaire successoral est la principale mesure qui permet aux héritiers d’être protégés et de ne pas devoir payer les dettes de la succession au-delà de la valeur des biens qu’ils recueillent.

Forme de l’inventaire

Le liquidateur doit se conformer aux dispositions du titre De l’administration du bien d’autrui lorsqu’il procède à la confection de l’inventaire. Selon l’article 1327 C.c.Q., l’inventaire peut être fait:

  • par acte notarié en minute[8]; ou
  • par acte fait sous seing privé en présence de deux témoins. Dans ce cas, le liquidateur et les témoins le signent. Le liquidateur doit y indiquer la date et le lieu où il est fait[9].

La forme notariée est à privilégier et c’est ce qui nous amène à expliquer pourquoi. Sans contredit, la forme notariée facilite la conservation de l’inventaire et la délivrance de copies authentiques de l’inventaire aux héritiers, aux successibles qui n’ont pas encore opté, aux légataires particuliers et aux créanciers connus. Ainsi, si une personne a besoin de l’inventaire plusieurs années après qu’il ait été dressé, il sera aisé de le retracer puisqu’il sera conservé chez le notaire.

Soulignons que c’est bel et bien le liquidateur qui s’occupe de dresser la liste du contenu de l’inventaire, et non le notaire.Le rôle de ce dernier se limite à consigner à l’intérieur de l’acte les déclarations du liquidateur et à conserver l’original de l’inventaire. Ainsi, le notaire n’assure pas la véracité du contenu de l’acte d’inventaire.

Par ailleurs, notons que ce qui est publié au registre des droits personnels et réels mobiliers n’est qu’un avis d’inscription de l’inventaire, et non le contenu intégral de l’inventaire[10].

Il se peut que le testateur ait exigé que l’inventaire soit fait sous forme notariée. Les héritiers pourraient toutefois renoncer à cette forme, mais cette renonciation doit être unanime.

Telle que décrite, la grande différence entre un inventaire fait sous seing privé et un inventaire fait sous la forme notariée est la conservation de l’inventaire.

Prenons un exemple simple :

En 1992, Louis, propriétaire d’un bungalow, décide de faire des travaux afin de remplacer son mode de chauffage de sa maison. Bricoleur et avec l’aide de son beau-frère, il décide de faire une grande partie des travaux lui-même. Il retire la fournaise au mazout et le réservoir. Pendant l’opération, du mazout s’échappe du réservoir et de certaines canalisations. Louis et son beau-frère font peu de cas de ce déversement puisque le réservoir est situé dans le vide sanitaire de l’immeuble et son revêtement est en pierre concassée. Rapidement, le mazout disparait dans le sol.

En 1994, Louis vend sa maison avec la garantie légale. L’acheteur ne constate aucune anomalie, même à la suite d’une inspection par un inspecteur en bâtiment.

En 2000, Louis décède. Il laisse dans sa succession une somme d’environ 50 000 $. Le liquidateur de la succession de Louis dresse alors un inventaire sous seing privé qu’il remet à chacun des héritiers.

En 2018, l’acheteur de la maison de Louis qui avait acheté, non pas de l’acheteur de Louis mais, d’une autre personne, désire faire des travaux au sous-sol de la maison pour notamment agrandir l’espace habitable. En creusant, l’entrepreneur découvre une contamination au mazout. Après plusieurs analyses, la facture s’élève à 125 000 $ pour la décontamination du sous-sol. Comme le Code le permet en matière de vice caché, une cascade de procédures s’enclenche pour atteindre finalement les héritiers de Louis. Comme Louis est le responsable de cette contamination, les chances sont grandes que ses héritiers soient responsables de la facture!

Aucun des héritiers ne retrouve l’inventaire de la succession. Comme ils ne peuvent prouver le montant qui limite leur responsabilité aux dettes, ils devront acquitter la totalité de la facture.

Si l’inventaire avait été fait sous la forme notariée, les héritiers n’auraient eu qu’à communiquer avec le notaire qui a reçu l’inventaire pour en obtenir une copie authentique, afin de prouver que leur responsabilité aux dettes de la succession se limite à 50 000 $, soit la valeur de l’actif net successoral.

Autre exemple, l’inventaire successoral peut être utile dans le cadre d’une procédure en divorce. En effet, avec l’inventaire successoral, il sera facile pour l’un des époux de démontrer les montants reçus d’une succession afin de les exclure du partage du patrimoine familial ou de la société d’acquêts.

Nous pouvons conclure, en rappelant l’importance de l’inventaire successoral et en ajoutant que si l’inventaire est fait sous la forme notariée, les héritiers seront rassurés que cet inventaire ne puisse jamais disparaitre! Bien des tracas évités pour vos clients!

[1] Art. 776 C.c.Q

[2] Pour une étude complète sur l’inventaire successoral, voir Michel BEAUCHAMP, La liquidation et le partage de la succession, 2ème édition, Édition Yvon Blais inc, 2016, p. 279 et ss.

[3] Art. 792 et 800 C.c.Q.

[4] Couvrette c. Couvrette, REJB1999-15287 et Fischer c. Fogel, REJB 1997-03656

[5] Art. 778 C.c.Q.

[6] Bergeron c. Fortier, 2005 QCCA 319

[7] Art. 780 C.c.Q.

[8] Art.1327,2814(6) et 2819C.c.Q

[9] Voir les art. 1327 et 2826 et s. C.c.Q.

[10] Art.795 C.c.Q

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