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 dans Verbum Legale

Le tuteur au mineur qui veut aliéner un bien immeuble appartenant à un mineur doit respecter certaines règles.

Le tuteur au mineur possède les pouvoirs d’un administrateur du bien d’autrui chargé de la simple administration. À ce titre, il ne peut aliéner les biens qu’il administre sans préalablement obtenir l’autorisation du conseil de tutelle ou du tribunal.

L’article 213 C.c.Q. stipule que :

S’il s’agit de contracter un emprunt important eu égard au patrimoine du mineur, de grever un bien d’une sûreté, d’aliéner un bien important à caractère familial, un immeuble ou une entreprise, ou de provoquer le partage définitif des immeubles d’un mineur indivisaire, le tuteur doit être autorisé par le conseil de tutelle ou, si la valeur du bien ou de la sûreté excède 25 000 $, par le tribunal qui sollicite l’avis du conseil de tutelle.

Le conseil de tutelle ou le tribunal ne permet de contracter l’emprunt, d’aliéner un bien à titre onéreux ou de le grever d’une sûreté, que dans les cas où cela est nécessaire pour l’éducation et l’entretien du mineur, pour payer ses dettes, pour maintenir le bien en bon état ou pour conserver sa valeur. L’autorisation indique alors le montant et les conditions de l’emprunt, les biens qui peuvent être aliénés ou grevés d’une sûreté, ainsi que les conditions dans lesquelles ils peuvent l’être.

Selon cet article, c’est la valeur du bien qui détermine le niveau d’autorisation requis pour l’aliénation. Si la valeur du bien immeuble est inférieure à 25 000 $, seul le conseil de tutelle autorisera la transaction. Si la valeur du bien est supérieure à 25 000 $, le conseil de tutelle donnera son avis et le tribunal devra autoriser la vente.

Valeur du bien

Le Code civil ne donne aucune précision quant à la valeur du bien. S’agit-il de la valeur totale du bien ou de la quote-part indivise que le mineur détient dans l’immeuble?

Je suis d’avis qu’il est toujours question de la valeur des intérêts du mineur dans le bien. Le bien qui appartient réellement à ce dernier ne peut être que limité à la part indivise dont il est véritablement propriétaire. D’ailleurs, une part indivise est un bien au sens du droit civil. La Cour supérieure a d’ailleurs retenu cette interprétation (B. G. (succession de) 2010 QCCS 4251).

Si la valeur de l’immeuble excède 25 000 $

Lorsque la valeur du bien excède 25 000 $, le tuteur doit s’adresser au tribunal pour obtenir l’autorisation de vendre. Pour ce faire, il doit alors suivre la procédure de vente prévue au Code de procédure civile.

La demande doit décrire le bien et énoncer les motifs de la demande. Le demandeur doit démontrer la nécessité de vendre le bien pour l’entretien du mineur, pour payer ses dettes, pour maintenir le bien en bon état ou pour conserver sa valeur. La demande doit être accompagnée de l’avis du conseil de tutelle, d’une évaluation d’expert et des documents établissant les motifs de la demande.

Si la valeur de l’immeuble est de 25 000 $ ou moins

Le processus de vente est beaucoup plus simple lorsque la valeur du bien est de 25 000 $ ou moins. Dans ce cas, le tuteur n’est pas tenu d’obtenir d’autorisation judiciaire. Seule l’autorisation du conseil de tutelle est requise.

Le conseil de tutelle ne peut donner son aval que dans les cas où cela est nécessaire pour l’entretien du mineur, pour payer ses dettes, pour maintenir le bien en bon état ou pour conserver sa valeur. L’autorisation donnée doit décrire le bien visé et mentionner les conditions dans lesquelles il peut être vendu.

L’évaluation des biens

Il est important de bien circonscrire la notion d’évaluation des biens.

Je crois qu’il s’agit ici de la valeur brute des biens, sans tenir compte des dettes liées à l’immeuble comme une dette hypothécaire. En effet, la valeur d’un bien est la juste valeur marchande qu’une personne étrangère serait prête à payer pour acquérir un bien dans un marché normal. Aucune évaluation d’un expert ne tient compte des charges liées à l’immeuble dans le cadre de l’évaluation d’un bien.

Motifs pour vendre un immeuble appartenant à un mineur

Dans le cadre d’une succession ab intestat, il est fréquent que le défunt laisse comme héritiers des enfants mineurs et qu’une part indivise d’un immeuble se trouve dans la succession. Qu’arrive-t-il si le parent survivant, copropriétaire de l’immeuble avec la succession, désire vendre l’immeuble? Le parent survivant, tuteur légal, peut-il aliéner l’immeuble des enfants mineurs? Le cas échéant, à quelles conditions?

À ce sujet, l’article 213, al. 1 C.c.Q. prévoit ce qui suit :

S’il s’agit de contracter un emprunt important eu égard au patrimoine du mineur, de grever un bien d’une sûreté, d’aliéner un bien important à caractère familial, un immeuble ou une entreprise, ou de provoquer le partage définitif des immeubles d’un mineur indivisaire, le tuteur doit être autorisé par le conseil de tutelle ou, si la valeur du bien ou de la sûreté excède 25 000 $, par le tribunal, qui sollicite l’avis du conseil de tutelle.

À son deuxième alinéa, l’article 213 C.c.Q. précise que la vente de l’immeuble appartenant au mineur ne peut avoir lieu que si cela est nécessaire pour l’éducation et l’instruction de ce mineur, pour payer ses dettes, pour maintenir le bien en bon état ou, encore, pour conserver la valeur de celui-ci. Selon les anciennes règles, il était possible d’aliéner un bien appartenant à un mineur pour deux raisons, soit la nécessité et l’avantage évident. Le texte de l’article 213 C.c.Q. porte à croire que le motif d’avantage évident serait disparu. En pratique, il est toutefois difficile de départager ces notions. Prenons le cas d’un mineur qui est propriétaire indivis d’un immeuble unifamilial et qui habite avec sa mère. Même si la mère peut supporter seule les charges de l’immeuble, serait-il nécessaire de le vendre ou est-ce que le mineur tirerait un avantage évident à le vendre si le prix de vente est alléchant? Compte tenu des fluctuations habituelles du marché de l’immobilier, nous croyons qu’il vaut mieux, pour un mineur, que son capital fasse l’objet de placements sûrs plutôt que d’être investi dans un immeuble. Également, si suite au décès de l’un des parents, l’autre parent décidait de déménager dans un autre lieu et de vendre la maison familiale, cette décision, dite familiale et dans l’intérêt de l’enfant, ne pourrait pas être contrecarrée par une interprétation trop restrictive de l’article 213 C.c.Q.

Selon certaines décisions récentes des tribunaux, l’article 213 C.c.Q. devrait être interprété de façon restrictive. Ainsi, dans R. (R.), ès qualités, Re, la Cour supérieure confirme la tendance suivant laquelle seuls les critères de l’article 213 C.c.Q. doivent être pris en considération lors d’une demande d’aliénation d’un bien appartenant à un inapte. Par contre, nous croyons que les critères énoncés à cet article ne sont pas les seuls à remplir; celui de l’intérêt de l’enfant doit également être pris en considération.

Effectivement, comme l’a souligné le juge Dufresne, le critère de l’intérêt de l’enfant ne se trouve pas à l’article 213 C.c.Q. Par contre, l’article 33 C.c.Q. précise ce qui suit :

Les décisions concernant l’enfant doivent être prises dans son intérêt et dans le respect de ses droits.

Sont pris en considération, outre les besoins moraux, intellectuels, affectifs et physiques de l’enfant, son âge, sa santé, son caractère, son milieu familial et les autres aspects de sa situation.

Cet article de portée générale énonce clairement que toutes les décisions qui concernent les enfants doivent être prises dans leur intérêt et dans le respect de leurs droits. Ce principe, largement utilisé en droit de la famille, doit également trouver application en matière de tutelle au mineur.

Même si cette notion d’intérêt de l’enfant est une notion abstraite, il demeure qu’elle permet au juge de trancher en fonction du caractère distinctif de chaque enfant ou de chaque situation familiale.

D’ailleurs, avant même la codification de l’article 33 C.c.Q., le juge Beetz de la Cour suprême écrivait que l’intérêt de l’enfant est devenu en droit civil québécois la pierre angulaire des décisions prises à son endroit.

Selon l’article 33 C.c.Q., la recherche de l’intérêt de l’enfant implique la prise en considération de ses besoins moraux, intellectuels, affectifs et physiques, de son âge, de sa santé, de son caractère et de son milieu familial.

Dans un autre ordre d’idées, nous rappelons que le tuteur agit à l’égard des biens du mineur à titre d’administrateur du bien d’autrui chargé de la simple administration. À ce titre, il doit agir dans le meilleur intérêt du bénéficiaire.

Il semble donc que les critères mentionnés à l’article 213 Code civil du Québec ne sont pas limitatifs.

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